L’arbitrage CPA au service de l’intérêt public
Au-delà des domaines traditionnels de la justice arbitrale, diverses questions plus nouvelles relatives à l'intérêt public - y compris le changement climatique, les droits de l'homme, la gestion durable des pêches et la fiscalité - ont été abordées dans le cadre de procédures arbitrales et devraient connaître une importance croissante à l'avenir. En tant qu'organisation intergouvernementale, la CPA est particulièrement bien placée pour soutenir le règlement des différends internationaux au service de l'intérêt public.
Photo : Comité d’examen établi en vertu de l’article 17 et de l’annexe II de la Convention sur la conservation et la gestion des ressources halieutiques en haute mer dans le Pacifique Sud (Affaire PCA n° 2023-33)
Connue dans les sociétés du monde entier depuis des milliers d’années, la justice arbitrale peut être considérée comme le mode originel de règlement pacifique des différends. Au niveau international, le rôle essentiel de l’arbitrage à l’appui du commerce et des investissements transfrontaliers est bien documenté. La CPA, pour sa part, a administré des centaines d’arbitrages mixtes dans ces domaines, impliquant des États et des entités privées. L’arbitrage sous-tend également le système de justice entre États : les procédures arbitrales devant les tribunaux ad hoc et les organes semi-permanents représentent une partie importante de la jurisprudence en matière de droit international moderne. Les affaires inscrites au rôle de la CPA en sont un parfait exemple. Au cours des vingt-cinq dernières années seulement, la CPA a apporté son soutien à plus de trente-cinq tribunaux et commissions interétatiques dans divers domaines du droit international, notamment la délimitation territoriale, le droit de la mer, le droit de l’environnement et les conséquences juridiques des conflits armés.
Au-delà de ces domaines traditionnels de la justice arbitrale, diverses questions plus nouvelles relatives à l’intérêt public – y compris le changement climatique, les droits de l’homme, la gestion durable des pêches et la fiscalité – ont été abordées dans le cadre de procédures arbitrales et devraient connaître une importance croissante à l’avenir. À mesure que de nouvelles règles internationales et transnationales émergent dans ces domaines, les mécanismes d’arbitrage spéciaux sont de plus en plus considérés comme modes privilégiés pour régler les différends pouvant survenir. En tant qu’organisation intergouvernementale, la CPA est particulièrement bien placée pour soutenir le règlement des différends internationaux au service de l’intérêt public.
Entreprises et droits de l’homme
En 2011, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a approuvé les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, établissant un cadre international de droit non contraignant pour la responsabilité des entreprises en cas de violation des droits de l’homme. Cinq ans plus tard, la CPA a été choisie comme forum pour ce qui pourrait être la première procédure internationale relative aux entreprises et aux droits de l’homme : des fédérations syndicales ont engagé une procédure arbitrale à l’encontre de marques de mode globales en vertu de l‘Accord on Fire and Building Safety in Bangladesh, qui avait été signé par plus de 200 marques mondiales en réponse à l’effondrement en 2013 d’un bâtiment d’usine de confection à Dhaka, au Bangladesh. La procédure s’est conclue à l’amiable en juillet 2018.
Ces procédures pourraient créer un précédent pour de futures affaires : en 2019, un groupe de travail sur l’arbitrage international relatif aux entreprises et aux droits de l’homme a adopté un ensemble de règles de procédure spécifiques, intitulé Hague Rules on Business and Human Rights Arbitration. Le Règlement de La Haye vise à fournir un « culturally appropriate and rights-compatible process for resolving the parties’ dispute, including in particular by giving due regard to the urgency of addressing the alleged human rights impacts ». Il prévoit les rôles d’autorité de nomination, de greffe et de dépositaire sur la transparence pour la CPA.
Changement climatique
La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) de 1992 a pour objectif de « stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique ». Alors que le mécanisme de règlement des différends interétatiques de la Convention n’a jusqu’à présent été d’aucune pertinence (notamment parce que les États parties n’ont pas encore rédigé d’« annexe sur l’arbitrage » comme le requiert la Convention), les tribunaux arbitraux dans le cadre d’arbitrages mixtes et les arbitrages entre des entités privées ont déjà traité des aspects importants de la mise en œuvre pratique de la CCNUCC.
La CPA a notamment traité un certain nombre d’affaires contractuelles découlant du protocole de Kyoto de 1997, qui concernaient des crédits certifiés de réduction des émissions dans le cadre du mécanisme pour un développement propre et du mécanisme de mise en œuvre conjointe du protocole. En outre, les différends découlant des opérations du principal organisme financier lié à la CCNUCC, le Fonds vert pour le climat, pourraient à l’avenir être réglés par voie d’arbitrage administré par la CPA, eu égard au fait que les Accords-cadres d’accréditation entre le Fonds et les banques nationales de développement renvoient les différends à la CPA.
Au niveau politique, une équipe spéciale de l’Association internationale du barreau a proposé la création d’un « Tribunal international de l’environnement » ad hoc fondé sur l’arbitrage, qui pourrait éventuellement évoluer vers un tribunal environnemental permanent.
Pêche
La CPA a également apporté son soutien à des mécanismes internationaux spéciaux pour la gestion durable de la pêche. En particulier, à deux reprises, des groupes d’examen sous les auspices de la CPA ont été mandatés afin de résoudre des différends découlant de la Convention sur la conservation et la gestion des ressources halieutiques en haute mer dans le Pacifique Sud. L’examen s’est déroulé conformément à des règles de procédure spécifiques, qui prévoyaient un processus accéléré entre États comprenant des audiences conduites dans plusieurs langues. Chacun des différends a été réglé en seulement six semaines.
Fiscalité
La puissance publique par excellence est la puissance fiscale. Des questions liées à la fiscalité ont fréquemment surgi dans le cadre d’arbitrages entre investisseurs et États administrés par la CPA. En outre, l’arbitrage permet le règlement de litiges liés à la double imposition.
La possibilité qu’un seul et même contribuable ou transaction soit soumis à l’imposition dans plusieurs juridictions a augmenté au fur et à mesure de la croissance des transactions et de la mobilité transfrontalières. Un réseau de plus de 3 000 conventions vise à éviter la double imposition injuste ; pourtant, les autorités fiscales peuvent être en désaccord quant à l’interprétation ou à l’application de ces conventions. Ainsi, les versions modernes des modèles de conventions publiés par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et les Nations unies (ONU) prévoient que, si les désaccords ne sont pas réglés par voie de discussion entre les autorités fiscales, les différends peuvent être soumis à l’arbitrage à la demande soit du contribuable concerné (OCDE) (qui, bien que n’étant pas partie à la procédure arbitrale, a un rôle direct dans l’introduction de celle-ci) soit d’une autorité compétente (ONU).
De plus, l’Union européenne (UE), dans une directive adoptée par le Conseil en 2017, a créé un mécanisme spécial de « commission consultative », pouvant rendre un avis contraignant (sauf si les autorités fiscales conviennent d’une autre issue). En outre, les États membres peuvent constituer une « commission de règlement alternatif des différends », pouvant appliquer des procédures d’arbitrage.