La CPA et les différends impliquant des organisations internationales
Depuis l’avènement de la gouvernance multilatérale lors de la Conférence de la Paix de La Haye en 1899, le champ d’action des organisations internationales a connu une croissance exponentielle, rendant celles-ci plus susceptibles d’être parties à des différends. Depuis sa création, la Cour Permanente d'Arbitrage (CPA) a ainsi administré plus de 45 arbitrages impliquant des organisations internationales.
Forte de son expérience, la CPA continue aujourd’hui de proposer des prestations de haute qualité en matière de règlement de différends impliquant des organisations internationales.
Le champ d’action des organisations internationales a connu une croissance exponentielle depuis l’avènement de la gouvernance multilatérale lors de la Conférence de la Paix de La Haye en 1899. Du fait de cette activité croissante, les organisations internationales sont davantage susceptibles d’être parties à des différends. L’importance accrue des différends impliquant des organisations internationales est reflétée par la décision de la Commission du droit international en 2022 d’inclure le sujet « règlement des différends internationaux auxquels les organisations internationales sont parties » dans son programme de travail.
Certaines organisations internationales ont mis en place des mécanismes internes afin de régler leurs différends. Par exemple, l’Organisation des Nations Unies (l’« ONU ») a créé le Tribunal du contentieux administratif et le Tribunal d’appel des Nations Unies, qui peuvent être saisis par les membres du personnel du Secrétariat de l’ONU pour contester des décisions administratives. De même, les membres du personnel du Fonds monétaire international (le « FMI ») ont recours à la demande d’examen administratif, au Comité d’appel interne et au Tribunal administratif du FMI. Cependant, les organisations internationales ne disposent pas toutes de tels mécanismes internes et lorsque ceux-ci existent, ils ne prévoient pas forcément le règlement de tous les types de différends auxquels les organisations internationales sont parties.
La CPA possède une vaste expérience en matière d’administration de procédures de règlement des différends internationaux. Dans le cadre de ses activités de règlement des différends internationaux, la CPA est intervenue dans des différends impliquant des organisations internationales en (i) administrant divers différends de ce type qui ne sont pas soumis à des mécanismes internes de règlement des différends et (ii) en élaborant des règles spécialisées pour les différends impliquant des organisations internationales.
Depuis sa création, la CPA a administré plus de 45 arbitrages impliquant des organisations internationales. Les caractéristiques de ces arbitrages sont très diverses. Les parties à ces différends étaient des personnes physiques, des entités gouvernementales et des sociétés privées. Les instruments sous-jacents comprenaient des traités, des contrats de location, des contrats de conseil, des contrats de travail, des polices d’assurance, des règlements du personnel et des statuts de sociétés. Les litiges sont survenus dans différents secteurs, certains dans le secteur de l’emploi, d’autres dans le secteur des assurances et d’autres encore dans le secteur de l’énergie. Alors que certains de ces litiges ont demandé l’application des principes généraux du droit commercial international ou du droit international, d’autres ont requis l’application des instruments constitutifs de l’organisation internationale concernée et des accords contractuels. L’ampleur et la variété des affaires traitées par la CPA ont renforcé son expertise en matière d’administration des arbitrages impliquant des organisations internationales.
Bien que les procédures d’arbitrage représentent la grande majorité des affaires impliquant des organisations internationales administrées par la CPA, cette dernière a également administré une procédure de conciliation impliquant une organisation internationale, engagée en vertu du Règlement de conciliation de la CNUDCI de 1980. En outre, la CPA a fait fonction de greffe pour les Groupes de révision établis en vertu de la Convention sur la conservation et la gestion des ressources halieutiques en haute mer dans l’océan Pacifique Sud, lesquels ont statué sur les objections présentées par la République de l’Équateur et la Fédération de Russie à l’encontre des mesures de conservation et de gestion adoptées par la Commission de l’Organisation régionale de gestion des pêches du Pacifique Sud, qui est une organisation intergouvernementale.
Dès 1996, la CPA a reconnu la nécessité d’élaborer des règles d’arbitrage spécialisées adaptées aux différends impliquant des organisations internationales. Elle a, par conséquent, publié son Règlement facultatif pour l’arbitrage des différends entre les organisations internationales et les États (« Règlement entre organisations internationales et États ») et son Règlement facultatif pour l’arbitrage des différends entre les organisations internationales et les parties privées (« Règlement entre organisations internationales et parties privées »).
Le Règlement entre organisations internationales et États est fondé sur le Règlement d’arbitrage de la CNUDCI de 1976, modifié afin de refléter les aspects de droit international public que présentent les différends intéressant des organisations internationales et des États. Ainsi, le Règlement précise que les règles de l’organisation concernée et le droit applicable à tout accord ou relation entre les parties et, le cas échéant, les principes généraux applicables au droit des organisations internationales et les règles de droit international général, doivent être appliqués. Le Règlement entre organisations internationales et États permet également aux parties de convenir de faire trancher le différend par un tribunal arbitral composé d’une, trois ou cinq personnes (au lieu d’une ou trois personnes selon le Règlement d’arbitrage de la CNUDCI de 1976). Le Règlement entre organisations internationales et parties privées est également fondé sur le Règlement d’arbitrage de la CNUDCI de 1976, modifié afin de mieux prendre en compte les différends découlant d’accords ou de relations entre une organisation internationale et une partie privée. Ce Règlement prévoit que le fait d’accepter de soumettre un différend à l’arbitrage implique renonciation à toute immunité de juridiction. En outre, le Règlement entre organisations internationales et parties privées se caractérise par sa souplesse et par l’autonomie qu’il accorde aux parties – les parties ont toute liberté pour convenir du choix d’une personne ou d’une institution appelée à agir comme autorité de nomination.
Les Règlements entre organisations internationales et États et entre organisations internationales et parties privées ont été intégrés dans un certain nombre d’instruments constitutifs d’organisations internationales et d’autres traités auxquels les organisations internationales sont parties, ce qui témoigne de leur utilité. À titre d’exemple, le Règlement entre organisations internationales et États figure dans l’Accord de 2011 entre la République d’Estonie et l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (« OIAC ») sur les privilèges et immunités de l’OIAC et dans l’Accord de 2010 entre la Commission préparatoire de l’Organisation du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires et l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. Le Règlement entre organisations internationales et parties privées a été intégré dans des traités tels que l’Accord de 2009 entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation internationale de police criminelle relatif au siège d’INTERPOL et à ses privilèges et immunités sur le territoire français.
Les Règlements entre organisations internationales et États et entre organisations internationales et parties privées ont été modernisés et consolidés dans le Règlement d’arbitrage de la CPA de 2012, lequel est fondé sur le Règlement d’arbitrage de la CNUDCI de 2010. L’utilisation du Règlement d’arbitrage de la CPA 2012 dans les conventions d’arbitrage impliquant des organisations internationales se poursuit, par exemple dans l’Accord de 2017 entre l’Union européenne et la Confédération suisse sur le couplage de leurs systèmes d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, la Convention de 2019 relative à l’Observatoire Square Kilometre Array et la Convention-cadre de 2020 relative à la préparation et à l’appui préparatoire entre le Fonds vert pour le climat et le Programme des Nations Unies pour l’environnement.
Forte de son expérience, la CPA continue aujourd’hui de proposer des prestations de haute qualité en matière de règlement de différends impliquant des organisations internationales.