Les fondements d’un nouveau système RDIE

Depuis que la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) a chargé le Groupe de travail III de se pencher sur le thème de la « Réforme du règlement des différends entre investisseurs et États » en 2017, la CPA a participé activement aux discussions du Groupe de travail.

Le Groupe de travail a notamment examiné des réformes ciblées du système d’arbitrage actuel, la création d’un mécanisme d’appel ou la création d’un tribunal permanent des investissements. La CPA ne se prononce pas sur l’opportunité de réformes particulières, considérant qu’il revient aux gouvernements de choisir le mécanisme de règlement des différends qu’ils considèrent être le plus approprié, eu égard à leurs préférences et de leurs intérêts politiques. Toutefois, dans la mesure où les  États souhaiteraient envisager de nouvelles approches en matière de règlement des différends entre investisseurs et États, la CPA est prête à mettre à disposition son expertise technique à toute initiative de ce type, notamment en assistant les États dans la conception et la mise en œuvre de nouveaux mécanismes de règlement des différends en matière d’investissements.

Le 3 avril 2019, la CPA a organisé un événement parallèle à la réunion du Groupe de travail III de la CNUDCI à l’intention des délégués dudit Groupe de travail aux Nations Unies à New York afin d’explorer les défis juridiques et institutionnels que poserait la création d’un nouveau mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (« RDIE »).

L’événement parallèle a consisté d’un débat interactif portant sur le thème : « Fondements d’un nouveau système RDIE : Défis et solutions techniques » mené par le Secrétaire général de la CPA et le Conseiller juridique senior Dr. Dirk Pulkowski avec la participation d’éminents intervenants : Dr. Aloysius Llamzon, avocat exerçant chez King & Spalding et professeur   à la faculté de droit de l’Université Ateneo de Manila ; Mme le professeur Mariana Mota Prado, de la faculté de droit de l’Université de Toronto ; Mme Jan Yves Remy, Directrice adjointe du Centre Shridath Ramphal de politique commer- ciale de l’Université des Indes occidentales, et ancienne juriste au Secrétariat de l’Organe d’appel de l’OMC ; et M. Christian Rohde, Greffier principal des tribunaux du contentieux et d’appel des Nations Unies.

Le débat a fait ressortir les points suivants :

Cohérence et changement

Dans tout système judiciaire doit se trouver un équilibre entre, d’une part, la valeur de décisions cohérentes et prévisibles et, d’autre part, la nécessité de s’adapter au changement (ou de corriger les erreurs passées). En droit international, en l’absence d’un cadre constitutionnel global, cet exercice d’équilibre pose un défi particulier. Tout mécanisme réformé du RDIE devra être conçu de manière à encourager une plus grande cohérence des décisions tout en définissant une voie institutionnelle permettant de s’écarter de la jurisprudence précédente dans les cas appropriés.

Institutionnalisation

Il n’existe pas de plan directeur pour la création d’une cour ou d’un tribunal international, bien que l’expérience acquise dans le cadre des mécanismes existants pourrait se révéler utile pour évaluer les options de conception institutionnelle. La notion d’institutionnalisation couvre un large éventail de possibilités, allant d’un organe indépendant, remplissant toutes les fonctions d’un tribunal grâce à son propre personnel, à un organe faisant partie d’une institution existante et qui dépendrait des services de cette institution pour son fonctionnement. Des exemples de ce dernier type d’organe sont le tribunal arbitral permanent de la Banque des règlements internationaux, constitué dans les années 1930, et la Commission des réclamations Érythrée-Éthiopie, qui a rendu au cours d’une période de presque dix ans une série de 17 sentences.

Indépendance et responsabilisation

Dans toute réforme, l’un des défis est de savoir comment le principe de l’indépendance judiciaire, reconnu, dans le contexte des cours et tribunaux internationaux, dans les Principes de Burgh House sur l’indépendance de la magistrature internationale, peut être allié à un niveau approprié de responsabilité des décideurs judiciaires. On peut distinguer deux types de mécanismes de responsabilité : les mécanismes de responsabilité externe – fonctionnant vis-à-vis les États membres – et les mécanismes de responsabilité interne – opérant dans le cadre du mécanisme de règlement des différends.

Divers mécanismes de responsabilité externes sont envisageables, tels que la mise en place d’un système de rapports, l’habilitation des États membres à adopter des règles et interprétations contraignantes pour les juges ou arbitres, et le contrôle du budget.

Les mécanismes de responsabilité internes devraient être renforcés dans l’éventualité où le système du RDIE reposant sur des tribunaux ad hoc évoluerait vers l’utilisation d’organes permanents. Ces mécanismes comprennent des garanties visant à contrôler et faire respecter par les juges ou arbitres les obligations éthiques internes qui leur incombent. La réforme du système de justice interne des Nations Unies en 2009, qui a impliqué la création de nouvelles structures administratives, de codes de conduite et d’un mécanisme de plaintes, illustre le genre de mécanismes de responsabilité internes qui pourraient être envisagés.

Les compromis

Lorsqu’ils envisagent différentes options institutionnelles pour le RDIE, les États doivent admettre qu’il ne pourra y avoir de conception institutionnelle sans compromis. Aucun modèle ne fera mieux sur tous les plans. En élaborant un mécanisme nouveau ou réformé, il sera donc important de prévoir une certaine malléabilité institutionnelle permettant aux parties prenantes concernées de calibrer le fonctionnement du mécanisme dans le temps à l’aune de l’expérience acquise.